Enchères millionnaires pour l'art océanien
La vente de la collection Murray Frum chez Sotheby's, le 16 septembre à Paris, a totalisé 7,53 millions d'euros. Un record mondial.
«Le résultat obtenu ce soir récompense l'œil de Murray Frum. Cette vente devient la nouvelle référence». Jean Fritts, directrice monde du département d'art d'Afrique et d'Océanie chez Sotheby's.
Pulvérisant le record du monde dans la spécialité, avec un total de 7,53 millions d'euros pour 100% des lots vendus, la vente de la collection d'art océanien Murray Frum s'est achevée, mercredi 16 septembre chez Sotheby's, à Paris, sous un tonnerre d'applaudissements. Hommage à l'œil et au goût sûr de cet immense collectionneur disparu en 2013, ancien dentiste canadien reconverti dans l'immobilier, flairant l'essor de Toronto, qui acquit nombre de ses trésors lors de la grande vente Hooper, à Londres, en 1979. Hommage au mécène, qui fit une généreuse donation à la Gallery Art d'Ontario, dont la salle d'art africain porte son nom. Hommage à sa rigueur à déceler les faux. «Méfiez-vous de tout ce qui vous semble joli. Si l'œuvre vous est immédiatement accessible, cela signifie qu'elle a probablement été créée pour vous - ou pour quelqu'un comme vous -», répondit un jour Murray Frum à un récent collectionneur qui l'interrogeait sur sa manière de discerner les faux en art africain, rapporte son fils David Frum, en préambule du catalogue de Sotheby's.
La totalité des 49 pièces mises à l'encan ont trouvé preneur. L'enchère la plus haute a récompensé une monumentale statue uli, Nouvelle-Irlande, incarnant, avec son rare personnage auxiliaire ventral, la puissance idéalisée d'un chef de clan: la pièce a battu le record mondial pour une œuvre de Nouvelle-Irlande à 1.609.500 €. Collectée avant 1908 par Wilhelm Wöstrack, cet uli entra dans les collections du Linden Museum de Stuttgart, avant d'entrer dans celles de deux célèbres collectionneurs d'art de Nouvelle-Irlande: Ernst Heinrich, puis le peintre et sculpteur d'avant-garde, Serge Brignoni.
L'œuvre majeure de Polynésie était une statue en ronde-bosse pou whakairo maori - dont la prégnance du visage est accentuée par la beauté des tatouages et les cheveux ajoutés -, considérée comme un sommet de l'art maori. Datée de la fin du XVIIIe siècle, elle fut acquise par un collectionneur européen 1.441.500 € - record mondial pour une œuvre d'art maori. Elle s'inscrit dans le très étroit corpus des statues anthropomorphes indépendantes de toute structure architecturale.
L'exposition prévente avait accueilli 2.300 visiteurs, drainés par deux autres événements culturels organisés au même moment: la 13e édition du Parcours des mondes, salon international des arts premiers, dans le quartier germanopratin des Beaux-Arts, du 9 au 14 septembre, et la Biennale des antiquaires qui se poursuit jusqu'à dimanche 21 septembre. Venant du Grand Palais, l'immense collectionneur suisse Jean-Claude Gandur s'était lui-même émerveillé de cet ensemble, se promettant d'en acquérir un chef-d'œuvre qu'il mettrait en regard avec une œuvre de Dubuffet. «Paris est la capitale internationale des arts premiers», avait affirmé au Figaro l'Américaine Jean Fritts, directrice monde du département d'art d'Afrique et d'Océanie chez Sotheby's, venue spécialement pour la vente à Paris. Durant vingt ans, cette dernière échangea avec Murray Frum au point de connaître par cœur ses goûts et ses humeurs. Mercredi, elle eut du mal à cacher son émotion.
Selon Jean Fritts: «Cet événement est la plus importante vente d'art océanien de ces 40 dernières années. Le résultat obtenu ce soir récompense l'œil de Murray Frum. Cette vente devient la nouvelle référence dans ce domaine et inscrit l'art océanien comme un domaine de collection universel».
Fuente LE FIGARO (Valérie Sasportas | Paris): Enchères millionnaires pour l'art océanien...